Hier soir, les finissants du baccalauréat en danse de l’UQAM présentaient pour la première fois la création « le renoncement à la sauce » de la chorégraphe Enora Rivière. Avec cette pièce, la chorégraphe s’est donnée un double défi : créer avec vingt-quatre interprètes sur scène et s’inspirer du langage chorégraphique de Valslav Nijinski qui a révolutionné la danse au début du XXe siècle. Malgré une présence incontournable de la part des interprètes et de beaux moments visuels et chorégraphiques, on sort de la salle avec quelques points d’interrogation…
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Affection corporelle
Ce qui porte la pièce pendant une heure et demie, ce sont les regards intenses et la présence authentique des interprètes. Les effets de groupe fonctionnent et on voit une réelle communauté se former et vivre devant nos yeux. Qu’il s’agisse des moments de course, des moments d’immobilité ou des moments d’unissons, le groupe est soudé et très à l’écoute. Les artistes sentent l’espace et la proximité de façon organique et nous font ressentir qu’il se passe vraiment quelque chose au sein de cette collectivité.
À plusieurs reprises, les interprètes prennent des pauses inspirées par les mouvements de Nijinski. À des rythmes différents, dans l’extrême lenteur ou dans la vive rapidité, ils maîtrisent et incarnent pleinement les suspensions corporelles et créent de véritables images figées, belles à observer.
En petits groupes ou tous ensemble, les danseurs sculptent l’espace par leurs entrées et leurs sorties toujours délicates et bien définies. Ils semblent construire et déconstruire des tableaux tout droits sortis du début du XXe siècle. Déplacements latéraux, corps cassés, mouvements saccadés, pieds en dedans, dos courbés… tous les codes de Nijinski sont là. On a l’impression de regarder un hommage à ce mythique danseur.
La musique qui mixe très bien les diverses influences sonores et les lumières précises et mesurées sont travaillées et mettent en valeur la pièce. Elles rehaussent la fluidité de celle-ci et y apportent une narrativité même si on perd un peu le fil au milieu de la proposition.
Épuisement symbolique
Au milieu de la pièce, on perd pied. Deux interprètes simulent une dispute sur un laps de temps trop court pour y croire ou pour comprendre d’où cela sort, et, surtout où cela nous mène. Par la suite, la musique s’éteint, l’espace affiche un rouge intense. Que se passe-t-il?
Les interprètes eux, jouent des claquements de doigts. Des leaders se démarquent puis l’ensemble du groupe feint de jouer à un jeu … Pourquoi sort-on complètement du contexte chorégraphique et scénique ? Et surtout pourquoi sur si peu de temps ? Après quelques paroles qui semblent vouloir atteindre et ridiculiser le public, on tombe dans un tableau où tous les danseurs nous font face, la rage au ventre. Pourquoi ?
Les moments chorégraphiques prennent leur place dans ces scènes et permettent d’aérer le tout mais ne nous replongent pas dans le cœur de la pièce. Au contraire. Des unissons et des traversées chorégraphiques beaucoup plus jazz prennent place. On ne sait plus vraiment où se situer même si les mouvements et les compositions spatiales sont agréables à regarder.
Les tableaux s’enchaînent moins et apparaissent quelque peu répétitifs. On assiste à de longues marches où même les interprètes tout recroquevillés ne semblent plus savoir quoi faire, ni comment interpréter ces instants qui ont l’air de combler du vide.
Après une douceur visuelle composée de pauses nijinskiennes et d’un bel agencement de l’espace, les interprètes quittent la scène, sous une ravissante lumière. Mais ce n’est pas fini…
À la toute fin de la pièce, on retombe dans l’incompréhension. Il est maintenant question d’écouter la parole de certain(e)s étudiant(e)s sur le processus de création donnant des avis personnels sur la pièce ou encore exprimant des ressentis corporels ou sensitifs. Le temps devient long et ce montage sonore semble vouloir justifier les passages de la pièce qui n’ont pas été clairs ou parait désireux d’expliquer au public les arrières de la scène. Ce qui nous laisse… plutôt perplexe.